Le Président a annoncé le 16 mars que pour les plus petites entreprises, les factures de gaz, d’électricité et de loyers devront être suspendus. Les plus petites entreprises éligibles au fonds de solidarité financé par l’Etat et les Régions (voir ci-dessous) pourront bénéficier de droit de report du paiement des factures d’eau, d’électricité et de gaz. Pour les factures d’eau de gaz et d’électricité : les entreprises qui rencontrent des difficultés pour payer leurs factures d’eau, de gaz et d’électricité peuvent adresser sans tarder par mail ou par téléphone une demande de report à l’amiable à leur fournisseur d’eau, de gaz ou d’électricité. Pour le loyer des locaux commerciaux : les principales fédérations de bailleurs ont appelé vendredi 20 mars leurs membres bailleurs à suspendre les loyers pour l’échéance d’avril et pour les périodes postérieures d’arrêt d’activité imposées par l’arrêté. Concrètement, pour les TPE/PME appartenant à l’un des secteurs dont l’activité est interrompue les fédérations ont appelé leurs adhérents à ce que : Les loyers et charges soient appelés mensuellement et non plus trimestriellement ; Le recouvrement des loyers et charges soit suspendu à partir du 1er avril 2020, et pour les périodes postérieures d’arrêt d’activité imposées par l’arrêté. Lorsque l’activité reprendra, ces loyers et charges feront l’objet de différés de paiement ou d’étalements sans pénalité ni intérêts de retard et adaptés à la situation des entreprises en question. Pour les TPE et PME dont l’activité a été interrompue par arrêté, ces mesures seront appliquées de façon automatique et sans considérer leur situation particulière. Concernant les entreprises dont l’activité, sans être interrompue, a été fortement dégradée par la crise, leur situation sera étudiée au cas par cas, avec bienveillance en fonction de leurs réalités économiques.
Sont concernées les personnes et les sociétés de petite taille exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation et qui à ce titre sont susceptibles de bénéficier du « fonds de solidarité ».
Plus précisément :
- la mesure porte uniquement sur les loyers de locaux professionnels et commerciaux ;
- la mesure bénéficie aux personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et aux personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.) qui cumulativement :
- ont un effectif d’au plus 10 personnes ;
- ont un chiffre d’affaires hors taxes lors du dernier exercice clos n’excédant pas 1 million d’euros.
S’agissant des difficultés rencontrées, les activités doivent :
- avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
- ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à l’année précédente.
Les personnes et entreprises concernées :
- ne peuvent être inquiétées en cas d’impayés de loyers et charges locatives sur la période courant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Plus précisément, pendant cette période, les personnes et entreprises ne peuvent pas encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux ;
- devraient pouvoir bénéficier d’un report ou d’un étalement du loyer…ce qui signifie que le loyer n’est absolument pas effacé…ce qui est donc moins avantageux que la suspension un temps évoqué ! A ce jour, rien ne vient préciser les modalités de remboursement des impayés…
Un recours à la notion de « force majeure » possible mais complexe et incertain
En dehors de la mesure spécifiquement prévue pour les microentreprises, le locataire d’un local d’activité se trouve dans la même situation que le locataire d’un logement ; il doit régler ses loyers et charges en totalité à la date fixée dans le contrat.
Toutefois, la notion de « force majeure » (article 1218 du Code civil), c’est-à-dire un événement qui échappe au contrôle d’une au moins des parties, qui est imprévisible et irrésistible…et qui permet le report ou l’annulation d’une obligation sans pénalité, pourrait selon certains spécialistes être valablement invoqué par un locataire :
- qui a vu son activité interdite par la loi et n’a donc pas pu exercer ;
- ou qui a vu son chiffre d’affaire drastiquement baisser et ne peut donc payer à cause de l’épidémie et de ses conséquences .
Dans ce cas, un locataire pourrait solliciter auprès de son bailleur la suspension (l’effacement) des loyers et charges pendant la période critique ou a minima un report et la mise en place d’un échelonnement du remboursement adapté. En cas d’échec d’un règlement à l’amiable, seul le juge pourra décider si le locataire est ou non fondé à exiger la suspension/le report des loyers.
De manière plus marginale, certains soulignent que l’action en révision du contrat pour cause de changement de circonstances imprévisible (article 1195 du Code civil) pourrait être un moyen, certes complexe, pour le locataire d’obtenir une diminution des sommes dues.
De manière générale, les bailleurs de locaux commerciaux et professionnels qui le peuvent sont invités à prendre un compte la situation et à suspendre autant que possible les loyers pendant l’urgence sanitaire et le confinement et à négocier ensuite un remboursement échelonné de la dette locative ; c’est par exemple le sens de la prise de position du président de l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI).
Les propriétaires bailleurs qui doivent faire un geste à l’égard de leur locataire commerçant/professionnel ou acceptent d’en faire un ne bénéficient à ce jour d’aucune aide ! Ainsi, ils devront notamment continuer à faire face à leurs impôts, taxes, charges de copropriété et autres remboursements de crédits…à charge pour eux de négocier au cas par cas des facilités de paiement.
Les abandons de loyers commerciaux ne sont plus des revenus fonciers imposables
Le droit fiscal considère, même si cela n’est vraiment pas intuitif, que les abandons de loyers commerciaux sont des sommes qui doivent être comprises dans le revenu foncier imposable.
« Afin de faciliter les abandons de créance de loyers », tout en ne pénalisant pas les bailleurs, la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 dispose que les abandons de loyers au profit de l’entreprise locataire entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 ne constituent pas des revenus imposables. Par ailleurs, les charges correspondantes (charges de propriétés, intérêts d’emprunt) supportées pendant cette période restent pleinement déductibles.
Ce dispositif temporaire vise surtout les gros bailleurs qui consentiront des abandons de loyers commerciaux.
Les loyers impayés ne sont pas imposables. Les loyers impayés, c’est-à-dire des sommes non encaissées alors le propriétaire bailleur a entrepris les démarches nécessaires (lettre recommandé AR, acte d’huissier puis saisine du tribunal) pour obtenir le versement des sommes qui lui sont dues, ne sont jamais a déclarer au titre des revenus fonciers.
Sources :
- Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
- Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale et Rapport au Président de la République ;
- Article 1218 du Code civil relatif à la force majeure ;
- Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;
- Le fonds de solidarité : quelles démarches pour quelles entreprises ? ;
- Coronavirus (Covid-19) : faut-il payer les loyers commerciaux du 2e trimestre 2020 ?, article de Philippe JULIEN, Avocat, pour le site efl.fr (Editions Francis Lefebvre) ;
- Coronavirus : sort des loyers des entreprises au regard des textes d’urgence sanitaire et Coronavirus : sort des loyers des entreprises au regard des textes d’urgence sanitaire, articles par Alain CONFINO, Avocat, pour le site dalloz-actualite.fr
- Appel à la responsabilité de tous les acteurs immobiliers, Christophe DEMERSON, Président de l’UNPI ;
- Comment le gouvernement compte éviter les loyers impayés Guillaume ERRARD pour immobilier.lefigaro.fr